Au début, il y a l'Illusion.
On est berné par nos propres sens. Et on prend nos perceptions pour la réalité. C'est le point de départ de la Civilisation de toute l'humanité.
On a mis du temps à comprendre que ce qu'on voyait n'était que de la lumière
reflétée par des choses qu'on appelle objets, et que cette lumière n'est qu'un tout petit ensemble de vibrations que nos yeux arrivent à capter (je dirais même à filtrer) parmi
l'ensemble de toutes les vibrations qui nous entourent. Ces vibrations, retravaillées par notre cerveau, donnent l'image que l'on connait des objets. Après, il nous a suffi de les nommer pour les
emprisonner dans leur statut d'objets et pour nous lier nous-mêmes à eux comme s'ils étaient la réalité que tout ce processus d'acquisition nous a laissés supposer.
A partir de là, nous nous sommes identifiés nous-mêmes selon notre apparence
visuelle, en observant nos semblables. Nous nous sommes délimités. Nous avons emprisonné notre moi dans un corps. Et, comme une partie de ce moi ne se laissait pas si facilement
emprisonner, on l'a appelée esprit. Par suite, cet esprit qui nous permet de dire « moi », devient une chose sans substance que nous sentons être l'essence de nous-même et que,
par conséquent, nous ne voulons pas perdre.
On a mis longtemps à comprendre tout ça. Et, comme entre-temps, on a vécu, on a
agi de travers depuis tout ce temps, bâtissant des générations et des générations sur cette illusion. Des religions se sont développées pour nous maintenir dans l'ignorance et nous empêcher d'en
sortir car elles ne veulent pas admettre qu'elles se sont trompées. (C'est toujours un problème, quand on clame avec force qu'on détient la vérité, d'admettre après coup qu'il n'en était
rien ; on préfère ignorer ou contrattaquer).
Mais, que les athées ne se réjouissent pas trop vite. Car ils sont tout aussi
prisonniers de leur athéisme que les religieux de leur théisme.
Maintenant, il faut que nous apprenions ou réapprenions que ce moi n'est
pas limité à ce qu'on en voit et que cet esprit n'en est pas séparé.
Karlfried Dürckheim parle de l'être existentiel et de l'être
essentiel. Le seconde étant celui qui a transcendé la façon de percevoir du premier. Il nous apprend également que l'individu est confronté à 3 sortes d'angoisses existentielles : la
peur de la mort, la peur de l'absurdité de la vie et la peur de la solitude.
Si, dans mon esprit, je me limite à mon corps (mon être existentiel), je me
sépare du reste du monde, et mes angoisses me poussent à créer Dieu en dehors, dans un au-delà, et à entrer dans une communauté avec laquelle je partagerais ce concept
imaginaire.
Ou alors, me fiant à une logique qui a également été développée sur les mêmes
bases de l'être existentiel, et mu par le désir de braver l'absurdité et du non-sens que je devine parce que je ne peux imaginer autre chose, je vais démontrer que Dieu n'existe
pas.
La physique quantique est arrivée en Occident dans l'esprit de certains
scientifiques qui ont fini, après quelques réticences naturelles face à tout ce qui est nouveau, par voir le parallèle qui existait entre la nouvelle façon de voir le monde qui s'ouvrait à eux,
qu'ils n'arrivaient pas à cerner, et la vision bouddhiste.
Alors, il y a un « avant la physique quantique » et un
« après ». Tout-à-coup – après –, il n'y avait plus rien de solide. Plus rien de palpable. La solidité d'une table n'était devenu qu'un leurre. Les atomes bien solides avec leur noyau
constitué de protons et de neutrons et les électrons qui gravitent autour, tout ça, ce n'est plus qu'une vue de l'esprit. Ça n'existe pas. Du moins, pas comme on se
l'imaginait.
Seulement, on ne l'a pas encore assimilé. On se débat encore dans l'ancien
paradigme. On s'étonne encore en pensant « quoi, la table n'est pas solide ?! Ou bien il est fêlé celui-là, ou bien je suis trop nul(le) pour comprendre ». Tout ça, ce n'est que la
manifestation de cette non-assimilation. Ceux que les noms de Bohr, Heisenberg, Dirac ou Schrödinger laissent perplexes, appartiennent en plein à cette catégorie d'individus. Et ils représentent
la grosse majorité.
Mais, heureusement, on n'est pas obligés d'être tous physiciens. Il suffit d'être
bouddhiste
N'est pas bouddhiste celui qui croit en une religion qui s'appelle
« bouddhisme ». Non. Un bouddhiste est plutôt quelqu'un qui prend le taureau par les cornes et qui se dit : « bon, ça suffit comme ça, Maintenant je veux savoir. Je ne
bougerai pas d'ici avant d'avoir compris ». Et on s'assoit. Et on attend. Et... rien ne se passe.
En fait, si. Là, il se passe un tas de trucs. Mais rien de ce qu'on
attendait.
Et ce n'est que bien plus tard qu'on se rend compte, que c'était ça notre éveil.
L'éveil ordinaire, dirais-je. (Parce qu'il y a des gens qui rapportent des anecdotes d'éveils plutôt extraordinaires, en nous faisant croire que c'est le vrai, l'entrée dans le nirvana,
etc.)
Contentons-nous de notre éveil ordinaire. C'est bien assez.
Et, forts de cette expérience ordinaire, mais qui nous a fait toucher notre
être essentiel, nous pouvons voir. Voir que la société est bâtie autour de l'être existentiel et qu'elle n'est pas prête à le lâcher. En êtres existentiels nous imaginons que
notre démocratie est ce qu'il y a des mieux, ou sinon, de moins mauvais. Et si on est d'avis contraire, c'est encore en êtres existentiels que nous réagissons en voulant tout casser pour
construire un idéal qui ne peut s'apparenter qu'à une dictature. Pourquoi ? Parce qu'un idéal n'est que l'idéal d'une poignée d'individus.
Là, je m'empresse de dire que l'holocratie n'est pas un idéal. C'est un nouveau
mécanisme de fonctionnement dans une société. Je maintiens que si le mécanisme est bien fait, la mécanique fonctionnera bien. Après, chacun sera libre de se rêver son idéal au sein de cette
société.
Pour conclure, je dirais que l'holocratie est une armature qui permet de
construire la société que l'on veut, donc librement, dans le respect de l'environnement et de l'individu, tout en ne maintenant pas ce-dernier prisonnier dans sa condition d'être
existentiel.