Nous sommes tous égaux.
Non. Je plaisante.
En fait, on devrait dire que nous sommes tous potentiellement égaux. Et encore ! C'est pas tout à fait juste non plus. Mais bon.
Prenons une cellule. Si on la prélève dans le foie, c'est, par exemple, une cellule hépatique ; si on va la chercher dans la peau, on la trouvera peut-être parmi les kératinocytes (cellules de l'épiderme, nous dit wikipédia), et ainsi de suite : chaque organe a son paquet de cellules spécialisées qui vont jouer un rôle bien défini (et pas un autre). Alors même que, au départ, toutes ces cellules étaient semblables. Donc, celle qui s'est spécialisée dans la peau aurait très bien pu se retrouver à la place de celle qui est maintenant dans le foie. D'ailleurs, cela se fait. Il existe des manipulations cellulaires de ce genre de nos jours : on greffe des cellules de la peau sur le foie et ces cellules sont reprogrammées pour effectuer le travail qu'on attend d'elles au niveau du foie.
Tu vois le truc ? Au début, tout le monde est pareil, mais la fonction qu'on nous oblige à effectuer fait de nous quelqu'un d'autre. Bon, il est vrai que certains ont des prédispositions pour certaines choses auxquelles d'autres sont imperméables (il y a une part d'héritage génétique, sans doute), ce qui nous rend un peu “rigides” ; mais dans l'ensemble, nous sommes tous potentiellement égaux, c'est-à-dire qu'on est tous plus ou moins capables de faire tout (dans les grandes lignes). On n'est pas comme des fourmis qui ont un programme prédéfini en elles et ne peuvent pas changer de rôle en cours de route. Une fourmi-soldat restera soldat toute sa vie et une ouvrière restera ouvrière. Chez l'homme, par contre, il est possible de changer. On peut théoriquement jouer tous les rôles. Seulement, une fois qu'on y est, on s'est spécialisé et il est difficile de faire autre chose.
Certains se sont spécialisés dans la direction des autres. Ils estiment qu'ils peuvent nous diriger. Et ils nous considèrent comme des pions qu'ils déplacent à loisir. Ils jouent avec nous. Ils parlent de flexibilité, ce qui signifie qu'ils nous poussent à changer de rôle selon leurs besoins. Mais eux-mêmes, ils ne changeront pas ; ils resteront ceux qui nous dirigent.
Le problème est que cette poignée d'individus a le sentiment que les premiers rôles sont pour eux et que la majorité d'entre nous ne doivent rester que des figurants. Le scénario est pourri. Ils s'en rendent peut-être même compte, mais ils n'ont pas envie de lâcher leur rôle qu'il jugent important ou tout au moins d'un intérêt général (pour eux et les leurs). Et donc, ils ne veulent pas qu'on écrive un meilleur scénario. Ils ont tout intérêt à ce que les choses restent en l'état, même si cela implique l'effondrement total du système. Ils estiment (peut-être à raison) qu'ils pourront rebondir et se retrouver en bonne posture si un chamboulement survenait. Ils ne sont donc pas inquiets. Et nous, on les cautionne. Car nous sommes conditionnés pour leur obéir et leur rester subordonnés.
Si les choses étaient mieux faites, on redéfinirait le rôle de chacun : on laisserait chacun choisir librement ce qu'il ou elle a envie de faire, qui diriger et par qui se laisser diriger ; on aurait, bien entendu, des contraintes, mais celles-ci ne viendraient pas de lois abusives, insensées et injustes ; elles viendraient du bon sens qui œuvre pour la cohésion sociale plutôt que pour la fracture ; elles viendraient du besoin de vivre dans un environnement viable et non une nature qu'on pollue et dérègle …
Mais, je rêve, je rêve …