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14 janvier 2013 1 14 /01 /janvier /2013 19:36

 

 

Srdjan Dragojevic est un réalisateur et scénariste serbe qui gagne à être connu.

Alors bon. Commençons par le nom : il faut prononcer (à peu près) « sreudyan dragoyevitch » (le “dy” c’est le même que celui de Novak Djokovitch… bon, laisse tomber ; c’est pas grave).

 

Après plusieurs succès comme « nous ne sommes pas des anges », « joli villages, jolies flammes » ou « blessures », le voici à nouveau sur le devant de la scène avec « parade ». La Parade dont il est question est celle de la Gay Pride de 2010 qui s’est déroulée à Belgrade.

 

L’action du film se situe en 2009, avec un première tentative (fictive ?) avant celle qui a réellement eu lieu (avec un bilan d’une soixantaine de blessés plus ou moins graves). C'est en réaction à un fait divers semblable que l'auteur a voulu faire ce film.

 

Dans un monde où il faut à tout prix exhiber sa « virilité » (par le biais de la brutalité du verbe et de l’action), dans un monde où la sensibilité est proscrite (sous peine d'être complètement ostracisé), où un homme « normal » est un dur (qui en a), les homosexuels sont comme de chétifs agneaux perdus dans une forêt infestée de loups enragés qui n’ont pas mangé depuis longtemps.

Le personnage principal, Mischa Limun (limun=citron), est l'archétype de ce genre de loups : un vétéran des guerres des Balkans qui se trouve enrôlé dans cette histoire pour, un peu malgré lui, assurer la protection des homos lors de leur parade face aux hooligans qui ne cherchent qu’à en découdre.

Parmi les hommes de main qui travaillent habituellement avec lui, tous se désistent ; personne ne veut se battre pour défendre des “pédés”. Alors, il est obligé de chercher plus loin. Il se rend en Croatie, en Bosnie, au Kosovo et en Macédoine pour y chercher ses alter-ego, des durs comme lui, dont la force et la virilité sont hautement respectées et qui n'ont plus rien à prouver, pour venir lui prêter main forte.

 

Le film a un double intérêt :

-         Pour nous, gens de “l’ouest”, il s’agit d’une prise de conscience des mentalités de l’est

-         Pour eux, ceux des Balkans, il s’agit de s’émanciper à une vision nouvelle de l’être humain en général

 

En son temps, Eric Zemmour, relayant une certaine philosophie venue d’Amérique tirait la sonnette d’alarme en criant : attention, l’homme se féminise ! on est tous en train de devenir des femmelettes !

Pour moi, c’est le même thème qui est traité ici, mais pris dans l’autre sens. Srdjan semble nous dire : trop de virilité tue la virilité. Il montre très intelligemment comment ces brutes épaisses qui ont vécu toutes ces guerres et dont le langage reste d’une verdeur inqualifiable s’enlacent et s’embrassent “virilement” ou se précipitent sur le canapé pour regarder « Ben Hur » et verser une larme devant la scène où Judah Ben Hur et Messala manifestent de façon émouvante leur amitié.

 

Le peuple slave a beaucoup souffert*. Et il croit devoir se montrer fort en lançant des jurons dans toutes ses phrases et en associant la violence physique à la violence verbale. Il n’ose pas se lâcher à montrer ses sentiments (il n’ose pas se féminiser ?).

En réalité, nous ne nous féminisons pas. Nous nous normalisons simplement. Nos actes ont trop été “sexués”. On a donné un rôle aux hommes et aux femmes et on leur a attribué les activités qui semblaient être les leurs (les femmes à la cuisine, les hommes au garage …). Toutes nos activités, tous nos comportements, toutes nos attitudes se devaient d’être conformes à notre sexe. Et quand ce n’était pas le cas, c’était la sanction du reste de la société. Pour nous maintenir dans les rangs.

Quand on constate que l’homme “se féminise”, on ne regarde pas les choses sous le bon angle. En réalité, il faut désexualiser tous ces activités, comportements et attitudes pour les rendre simplement humains. Il faut un film comme celui-ci pour en prendre conscience.

 

Chez nous, on a fait un petit bout de ce chemin vers cette normalisation, mais on n’a pas fini. Pour d’autres, le chemin à accomplir est encore plus long.

 

*Le peuple slave se complait dans la souffrance. Il y a un adage un peu moqueur où il est question d'une jeune femme qui dit à sa mère : « Mère si tu savais combien c'est dur d'enfanter ! »

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